jeudi 1 mars 2018

L'Afrique Réelle N°99 - Mars 2018


























Sommaire

Actualité :
Algérie : où sont passés les militaires ?

Dossier : Menaces sur le Tchad
- Les trois Tchad
- Le centre et le nord contre le sud (1965-1979)
- De la guerre inter-Toubou au conflit Zaghawa contre Goranes Anakaza (1980-1990)
- Idriss Déby consolide son pouvoir (2004-2010)

Débat :
La traite esclavagiste a-t-elle permis la révolution industrielle européenne ?


Editorial de Bernard Lugan :

Mali : quelle stratégie de sortie de crise ?

En date du 21 février 2018, dans les colonnes du quotidien Le Monde, un « collectif de chercheurs » a publié une tribune intitulée « La France doit rompre avec la rhétorique martiale qui prévaut au Sahel », proposant une sortie de crise associée à un début de retrait français et à l’ouverture de discussions des autorités maliennes avec les jihadistes.

Si un consensus semble s’établir sur plusieurs points, notamment en ce qui concerne les erreurs de la communauté internationale dans la recherche d’accords hors sol, dans l’embouteillage sécuritaire interdisant toute action cohérente, et dans la référence à la nécessité de l’implication algérienne, je ne partage cependant pas le point de vue des auteurs de la tribune quant à leur proposition de sortie de crise.
Mes arguments sont les suivants :

- Comme je ne cesse de le dire depuis des années, le jihadisme n’est pas ici l’essentiel puisqu’il est d’abord la surinfection d’une plaie ethno-« raciale » que les autorités de Bamako n’ont pas l’intention de cautériser.
- Les auteurs font largement l’impasse sur la question touareg qui est pourtant à l’origine du conflit.
- Selon les signataires de cette tribune, ce serait paradoxalement la présence militaire française qui radicaliserait la situation et empêcherait les acteurs locaux de discuter entre eux[1]...

Ce dernier point appelle quatre grandes remarques :

1) Au Mali, les protagonistes n’ont pas attendu la présence militaire française pour livrer les guerres de 1963, de 1984, de 1990, de 1992, de 2006 et de 2008…
2) Dans le Macina, la guerre ethno-sociale se fait hors présence militaire française.
3) Qui peut penser que le départ des forces françaises permettrait, comme par un coup de baguette magique, de réunir autour de l’arbre à palabres, les acteurs d’un conflit millénaire dont, avec opportunisme, les jihadistes ont profité ?
4) Enfin, si l’armée française se retirait, les forces de Bamako seraient tôt ou tard « reconduites » vers le fleuve par les Touareg qui reprendraient un combat mis entre parenthèses pour ne pas déplaire à Paris.

La vérité, et il est impératif de cesser de la cacher, est que les ennemis de Bamako n’étant pas ceux de Paris, la France et le Mali mènent donc deux guerres différentes.
Les soldats français traquent ainsi au prix de leur vie[2] des jihadistes que les autorités maliennes voient quasiment comme des « alliés » contre les séparatistes touareg. Dans ces conditions, les dernières opérations militaires françaises « gênent » effectivement nos « partenaires » maliens…

Cependant, quoiqu’il en soit de la négociation que ces derniers conduisent actuellement dans le dos de nos militaires, rien ne sera pacifié à long terme puisque, à la source du conflit se trouve la question touareg que ces pourparlers ne régleront pas.
De plus comme en fin de processus, l’ethno-mathématique électorale donnera automatiquement le pouvoir aux sudistes, légitimé par la démocratie, le régime malien ne fera aucune concession fondamentale aux Touareg, lesquels continueront donc à se révolter.

[1] Ils critiquent ainsi les dernières opérations militaires ayant abouti à l’élimination de jihadistes.
[2] Qui osera dire aux Maliens qu’il est de plus en plus inacceptable que des soldats français se fassent tuer pour les défendre, quand des dizaines de milliers de jeunes déserteurs maliens viennent trouver un havre économique en France au lieu de combattre pour leur patrie ?

1 commentaire:

  1. Le conflit que l’on nous présente au jour d’aujourd’hui comme étant un conflit inter-malien tire essentiellement son origine depuis l’intronisation d’un président acquis à la cause de la politique de la France-Afrique en l’occurrence Moussa Traoré qui a mené une politique sans partage et dévastatrice au détriment de son peuple qu’il a volontairement appauvri par le fait entre autres de transferts de richesses et de sommes colossales via les comptes de certains apparatchiks de la francophonie qui lui ont garantie cette forme de quiétude et un semblant de paix sociale durant la longue période de son règne.
    Par ailleurs et la question fondamentale, qu’il faudrait rappeler précisément est le fait que dans le Nord du Mali se trouve une communauté targuie qui est présente également au Niger, au Burkina-Faso, en Mauritanie, en Libye et en Algérie en des proportions variablement plus importantes dans les pays du Maghreb.
    Ce bref retour dans les méandres de l’histoire ne peut que nous faire éviter certaines erreurs commises par le passé qui, par nécessité politicienne ou par soucis de garantir une forme de paix mais néanmoins précaire.
    Toute approche à charge qu’elle soit pacifique voire diplomatique ne serait que la bienvenue, car contrairement à la méthode de vouloir intervenir par la force armée pour soit disant en résoudre un conflit en dehors de ses bases est considéré comme étant une forme d’ingérence et une agression qui à fortiori viderait le concept de son véritable sens.
    Il ne saurait y avoir de paix durable et réelle au Mali, ni d’ailleurs dans d’autres contrées en l’absence des parties prenantes au conflit légalement représentées par leur représentant légitime en l’occurrence l’Azawad pour la communauté targuie en particulier. Par contre ce qui est nouveau c’est l’émergence d’une forme de fascisme dont la création sous la forme de champignons de groupuscules arborant l’étendard islamiste pour semer la terreur un peu partout dans le monde au nom d’une idéologie immorale.
    Il ne faut pas être dupe, cette floraison de groupes islamistes violeurs et coupeurs de têtes ne sont en réalité que la partie visible de l’iceberg qui dissimule en sa partie submergée des vérités que même l’esprit humain humainement constitué ne peut admettre.
    En effet, ce sont des narco trafiquants, de bandits des grands chemins, des criminels de tous bords, des assassins et des mercenaires sans foi ni loi qui sont en train d'appliquer la loi du Talion.
    Ainsi donc cette forme de terreur exercée sur des populations entières sert beaucoup plus l’esprit mercantiliste mondialiste de certaines entités ou groupe d’intérêt pour exécuter quitte à sacrifier une partie de la frange de la société, leurs plans machiavéliques.
    Cependant et malheureusement, nous constatons des regains de violence terroriste islamiste là où justement une revendication identitaire est mise en évidence, comme c'est le cas de cette partie du Mali.
    Alors pour essayer de noyer le poisson dans l’eau, les pouvoirs publics de ce pays ont fait dans la diversion en alertant l’opinion de la présence d’éléments subversifs pouvant mettre en danger la souveraineté territoriale pour voir s’évaporer la quête du mouvement Azawad parti en fumée qui , et dans la foulée est considéré lui aussi comme faisant partie de cette horde. Cordialement

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