mercredi 1 novembre 2017

L'Afrique Réelle N°95 - Novembre 2017


























Sommaire

Actualité
Somalie : un attentat révélateur de l’ampleur du chaos

Dossier
Sahel , des conflits ethniques sous paravent religieux
- L’islam, les Peul, les Haoussa et les Bambara
- L’islamisme radical est-il soluble dans l’océan ethnique ?

Histoire
Le 17 octobre 1961 à Paris : combien de morts ?
Entretien avec Bernard Lugan


Editorial de Bernard Lugan :
Quand une « chercheuse » de l’IRSEM s’aventure à parler des ethnies… 

Durant des années, des  membres du CNRS (Jean-Pierre Chrétien, Jean-Loup Amselle, Catherine Coquery-Vidrovitch ou Elikia M’Bokolo), nièrent l’existence des ethnies. Puis, rejoints et dépassés par les évidences, ils attribuèrent l’origine de ces dernières à la colonisation. Comme si les Africains n’avaient pas eu d’identité avant l’arrivée des colonisateurs... 
Aujourd’hui, comme il n’est plus question de nier l’évidence ethnique en raison de l’actualité, les « baise-cul » de l’idéologie officielle ont donc recours à la vieille méthode marxiste consistant à déconsidérer ad absurdum la thèse qu’ils attaquent en lui donnant un énoncé caricatural. 
Sonia Le Gouriellec, « chercheuse » à l’IRSEM (Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire), publie ainsi dans Le Monde du 16 octobre 2017, un article archétypique en la matière intitulé « La lecture exclusivement ethnique des conflits en Afrique est fallacieuse ». 
Or, nul esprit sensé n’a jamais écrit que l’ethnie explique tout. En revanche, ceux qui connaissent l’Afrique autrement que depuis l’algeco de la place Joffre, savent que rien ne s’explique sans l’ethnie… 

Pour fonder sa dialectique, Sonia Le Gouriellec prend l’exemple du Rwanda, société qu’elle ne connaît pas plus que la question ethnique elle-même, en caricaturant outrancièrement ce qui y constitue le soubassement de toutes les relations sociales : « Selon cette lecture (sous-entendu, celle de ceux qui ne pensent pas comme elle), les Tutsi et les Hutu seraient destinés à s’affronter et les massacres seraient le résultat d’une opposition raciste héréditaire et pratiquement constitutive de l’ADN des Rwandais et, plus largement, des Africains, condamnés aux tueries et aux barbaries spontanées sans dimension politique ni instrumentalisation ».

Mais où donc ailleurs que dans ses fantasmes, Sonia Le Gouriellec est-elle allée chercher de telles inepties ? On le comprend quelques lignes plus loin quand elle écrit, paraphrasant Jean-Pierre Chrétien : « C’est à partir du XIXe siècle (sous-entendu avec la colonisation) que le critère racial est intégré… ». Et nous voilà revenus à la théorie de la fabrication de l’ethnie par la colonisation… Bel exemple de pensée à la fois biaisée et totalitaire.

Plus loin, vautrée sous le truisme, notre « chercheuse » à l’IRSEM écrit : « l’ethnie n’est pas une réalité figée ou immuable, mais au contraire se trouve en constante évolution ». 
Une fois encore, qui soutient le contraire ? Cependant, est-ce parce que leurs contours évoluent, ce qui est le propre de toutes les sociétés humaines, que les ethnies n’existent plus ou n’existent pas ? 

Que Sonia Le Gouriellec utilise les colonnes du Monde pour développer ses élucubrations est une chose. Qu’elle le fasse es-qualités de « chercheuse » à l’IRSEM, en est une autre. Nos soldats qui risquent quotidiennement leur peau en étant confrontés, eux, au réel ethnique, ont en effet besoin de véritables connaissances du milieu sur lequel ils sont projetés, et non de fantasmes idéologiques inspirés de l’air du temps. 
Mais allons plus loin: en ces temps de drastiques réductions budgétaires, est-il concevable que, depuis les bureaux feutrés de l’IRSEM, loin de l’ennemi, - et pour quelle utilité ? -, des manieurs de concepts hors sol, fendent les eaux de la sociologie et du contentement de soi en « consommant » des crédits qui font si cruellement défaut à ceux qui, sur le terrain, constatent chaque jour l’inanité de leurs postulats ?

2 commentaires:

  1. Bonjour, en envoyant ce billet au Monde sous forme de réponse à l'article suscité, vous contribueriez au débat "public" (comprendre hors des cercles restreints de l'internet spécialisé composés de vos lecteurs). Nous sommes nombreux à vous suivre et regrettons l'impunité avec laquelle vos idées sont caricaturées dans les média subventionnés.

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  2. Je pense que le "phénomène" dépasse le cadre de cette jeune chercheuse et de cette (respectable) Institution. Le problème de la "recherche institutionnelle" est qu'elle est "coincée" entre la "recherche" : exigence de compréhension de la situation réelle et "l'Institution" : positionnement officiel face à une situation donnée. Comment alors allier deux éléments dont les objectifs ne sont pas forcément toujours alignés... Et quelle doit être la pondération (compromission) entre compréhension de la situation et la rédaction des fiches "prêtes à l'emploi" par l'Institution? Un vrai débat. Et c'est peut-être pour cela que l’Institution préfère des "chercheurs" plus malléables... Et pas forcément mieux informés... Et quand la réalité échappe à l'Institution, le problème devient encore plus "ardu"...

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