jeudi 27 décembre 2012

Centrafrique : pour tenter d’y voir clair


L’ancien Oubangui-Chari, le Dar Kouti ou « terre des esclaves » des négriers arabo-musulmans, est un quadrilatère de 623 000 km2 présentant de grandes différences géographiques, donc humaines, entre un nord sahélien, des savanes centrales, une forêt  méridionale et des régions bordières du fleuve.
Du mois d’août 1960, date de l’indépendance, jusqu’à 1993, avec Barthélemy Boganda, Jean-Bedel Bokassa, David Dacko et André Kolingba, le pays fut dirigé par les « gens du fleuve », Ngbaka ou Yakoma. En 1979, la France renversa l’ « Empereur »  Bokassa et installa au pouvoir David Dacko. Le pouvoir de ce dernier fut contesté par Ange-Félix Patassé, un nordiste sara soutenu par la Libye contre laquelle la France guerroyait au Tchad. En 1981, le général Kolingba, un Yakoma, prit le pouvoir.

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dimanche 23 décembre 2012

Mali : l’Algérie prend la main

Le 21 décembre 2012, à Alger, au lendemain de la visite de François Hollande, et au moment où le conseil de sécurité de l’ONU votait à l’unanimité l’envoi d’une force africaine au Mali, des représentants du MNLA et d’Ansar Dine, les deux composantes de la rébellion touareg, scellaient leur réconciliation, déclarant être prêts à discuter avec Bamako et à intervenir militairement contre les bandes islamo mafieuses qui occupent le nord du Mali. Qu’elle soit suivie d’effets ou non, cette annonce constitue une très importante victoire diplomatique algérienne dans ce Sahel, longtemps « pré carré » français. Le 23 novembre 2012, dans une précédente analyse, j’écrivais à ce sujet que l’effacement régional de la France était la conséquence d’une erreur d’analyse reposant sur la priorité donnée aux postulats idéologiques aux dépens des réalités géographiques, anthropologiques et historiques, avec pour résultat de laisser la place à d’autres, dont l’Algérie et les Etats-Unis. Maintenant que cette « prédiction » s’est réalisée, comment ce dossier désormais internationalisé et dont la gestion a échappé à Paris peut-il évoluer ?

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jeudi 20 décembre 2012

Mali : entre realpolitique et dhimmitude, quand l’Algérie dicte la politique de la France


Tel Cyrano, me « bouchant le nez devant l’azur », je laisserai à d’autres le soin de dénoncer le discours de François Hollande devant les députés algériens pour m’en tenir à la seule question du Mali.

Quand les services français et les hommes de terrain démontraient qu’il était impératif de soutenir les Touareg contre les islamistes, les conseillers de l’Elysée considéraient qu’une telle analyse relevait du romantisme colonial, parce que nous ne sommes plus à l’époque de l’Escadron blanc. Englués dans leur idéologie  et donc totalement déconnectés des réalités, ils soutenaient au contraire l’idée d’une rocambolesque intervention de la CEDEAO, ce volapuk ouest africain, cache-sexe de leur incompétence ou, comme  l’aurait dit Péguy, de leurs « lâchetés civiques et intellectuelles ». 
Or, miracle de Notre Dame d’Afrique, il aura suffi de quelques minutes à peine au président Bouteflika pour convaincre François Hollande qu’il s’agissait pourtant là de la seule politique réaliste à tenir dans la région et qu’il convenait donc d’oublier une intervention militaire à laquelle l’Algérie était, avec raison, totalement opposée (voir mes précédents communiqués à ce sujet).
Maître en matière de langage convenu, le Figaro a merveilleusement bien résumé ce retournement par un titre : « Paris et Alger convergent sur le dossier malien ». Singulière convergence en effet quand, en réalité, François Hollande, avec la fermeté de vues que nous lui connaissons, s’est purement et simplement rallié aux options d’Alger…
Face à cette insolite mais néanmoins louable reculade, comment vont donc réagir les « conseillers » de l’Elysée dont la principale activité a consisté jusque là à dynamiter les analyses que les militaires font « remonter » depuis le terrain? Vont-ils continuer à bloquer l’aide aux Touareg, permettant ainsi aux islamistes de conforter leurs positions, ou bien vont-ils soutenir la nouvelle politique française qu’il va falloir expliquer à nos amis de la région sahélienne ? Comme ce changement a été décidé par l’Algérie, gageons que tous les héritiers des « porteurs de valises » l’adopteront, soit avec l’ethno-masochisme des collabos, soit avec la résignation des dhimmis … 

Bernard Lugan
20/12/12

lundi 17 décembre 2012

Que faut-il attendre du voyage de François Hollande en Algérie ?


Les 19 et 20 décembre, accompagné de huit ministres et de l’incontournable Benjamin Stora, François Hollande effectuera un voyage officiel en Algérie. Deux mois après avoir rendu un scandaleux hommage aux prétendues « victimes » d’une manifestation interdite qui, le 17 octobre 1961, et alors que la France était en guerre, tentèrent un coup de force en plein Paris, saura t-il se comporter en chef de l’Etat et non plus en militant sectaire? Nous le saurons sous peu.

Au Maghreb, la France avait deux alliés historiques, le Maroc et la Tunisie, et un partenaire, l’Algérie, avec lequel les rapports sont à la fois compliqués et complexes. La Tunisie étant désormais hors jeu, le dernier véritable ami régional de la France est donc le Maroc. Le voyage du président français va-t-il être une opération de bascule au profit de l’Algérie ou un simple rééquilibrage dans les relations entre Paris, Rabat et Alger? Au-delà des polémiques et de la guerre des mémoires, où en sont les relations entre la France et l’Algérie ? Peuvent-elles être influencées par le voyage présidentiel ?

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mardi 11 décembre 2012

La Tunisie deviendra-t-elle le « Tunistan » ?

Passés en quelques mois de la clandestinité au pouvoir, les islamistes du parti Ennahdha sont engagés dans une politique de fuite en avant. Premier parti à l’issue du scrutin à l’assemblée constituante du 23 octobre 2011, mais minoritaire dans l’absolu, Ennahdha qui a obtenu 89  sièges sur 217 fut contraint de constituer une coalition avec deux partis de « centre gauche ». Aujourd’hui, fragilisés par le naufrage économique et social de la Tunisie, les islamistes veulent faire passer en force leurs principes théocratiques afin d’empêcher tout retour en arrière.

Face à eux, et selon les sondages, deux Tunisiens sur trois considèrent que la situation du pays est mauvaise ou très mauvaise, mais cette masse de mécontents est à la fois inorganisée et divisée ; quant à l’armée, elle n’a pas le même poids historique qu’en Egypte. La seule force d’opposition cohérente est donc l’UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens) qui revendique 500 000 membres et qui est en guerre ouverte contre les « barbus ». Pourra t-elle empêcher que la Tunisie se transforme en « Tunistan » ? Nous le saurons dans quelques heures puisque le puissant syndicat a décrété une grève générale et une mobilisation de grande ampleur pour le 13 décembre; il sera alors possible mesurer sa représentativité.

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samedi 8 décembre 2012

Egypte : révélations sur le coup d’Etat « discret » du 7 décembre 2012

Le 8 décembre au matin, dans un communiqué particulièrement clair, l’armée égyptienne a mis en garde les Frères musulmans, soulignant que les méthodes du président Morsi, à savoir les pleins pouvoirs qu’il venait de s’octroyer afin de faire adopter en force une constitution théocratique, allaient faire emprunter à l’Egypte « un sentier obscur qui déboucherait sur un désastre, ce que nous (l’armée) ne saurions permettre ». C’est en maîtresse de la situation que parlait l’armée. Elle était fondée à le faire car, dans la nuit du 7 au 8 décembre 2012, elle avait en effet réussi un coup d’Etat « discret ». Le second en un an. Le premier s’était produit le 10 février 2011 et il était dirigé contre Hosni Moubarak ; le second, celui de cette nuit, le fut contre les Frères musulmans. Explication et révélations sur ces deux évènements de très haute importance.

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jeudi 6 décembre 2012

Egypte : le dessous des cartes


Comme il fallait s’y attendre, et comme je l’ai annoncé depuis plus d’un an, notamment sur ce blog, l’Egypte est en phase de pré guerre civile. Si la situation devait empirer, son poids démographique, son déficit alimentaire chronique, l’enchevêtrement de ses populations et son environnement géopolitique, feraient que les évènements y auraient des conséquences encore plus importantes que celles que nous observons plus à l’ouest depuis l’élimination du colonel Kadhafi.

S’il n’est pas question d’annoncer le résultat de la partie qui se joue sous nos yeux, il est cependant possible d’identifier les acteurs qui ont pris place autour du tapis car la vie politique égyptienne est organisée autour de quatre grandes forces :
  
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mardi 4 décembre 2012

L'Afrique Réelle N°36 - Décembre 2012






 

 

















SOMMAIRE :

Actualité : L'année 2012 en Afrique

Dossier : Les Etats-Unis et l'Afrique

- La nouvelle politique africaine des Etats-Unis
- L'AGOA et ses limites
- La fragilité des partenaires privilégiés
- La politique militaire des Etats-Unis en Afrique

Repentance européenne : La révolte des Mau-Mau


Editorial de Bernard Lugan : Mali, le dessous des cartes

Compte tenu de l’état de l’armée malienne et des difficultés rencontrées dans la constitution du contingent promis par la Cedeao, la reconquête du nord Mali ne semble pas pouvoir être programmée avant la fin de la prochaine saison des pluies, donc pas avant les mois de septembre-octobre 2013. D’ici là, les formateurs étrangers, notamment français, auront la lourde tâche de créer en quelques mois une force de 2600 combattants maliens.

En attendant, les négociations qui vont bon train et qui se déroulent en coulisses à Ouagadougou sont peut-être en passe de rebattre les cartes. 
Ces pourparlers qui se font à deux niveaux concernent d’une part les Touareg du MNLA et ceux d’Ansar Eddine, d’autre part ces deux mouvements et les « autorités » de Bamako avec pour objectif d’isoler les islamistes. 

Les signes de l’évolution du dossier sont de plus en plus nets. 
Le 16 novembre 2012, les autorités burkinabe déclarèrent ainsi que le MNLA et Ansar Eddine étaient disposés à négocier avec Bamako. Certains responsables d’Ansar Eddine allèrent alors jusqu’à affirmer qu’ils se joindront à l’entreprise qui visera à libérer le nord du Mali des « groupes étrangers » - lire islamistes -, qui l’occupent.
En retour, le 18 novembre, les autorités maliennes, par la voix du Premier ministre Modibo Diarra répondirent favorablement à cette ouverture en soulignant que le MNLA et Ansar Eddine étant composés de Maliens, rien n’interdisait donc de négocier avec eux.
Parallèlement la reprise du dialogue entre les factions Touareg et Bamako, le rapprochement inter-Touareg est engagé.
Ses trois principales composantes sont :

1) Le MNLA qui n’a plus de position hégémonique depuis qu’il a été écrasé par les islamistes.
2) Ansar Eddine dont le chef, l'Ifora Iyad Ag Ghali n’a jamais véritablement coupé les ponts avec les autres Touareg et qui a, semble t-il, réussi à ramener à lui la plupart de ceux qui avaient rejoint Aqmi. Son jeu est complexe car après s’être aligné sur les positions extrémistes des fondamentalistes islamistes, aujourd’hui, il est prêt à leur faire la guerre.
3) Les forces du colonel Ag Gamou, un Imghad replié au Niger et qui pense pouvoir engerber des combattants issus des diverses populations du nord Mali comme les Songhay, les Peul, les Arabes et certains touareg. Le colonel Ag Gamou est soutenu par l’Algérie.
De leur côté, les islamistes n’ignorent pas qu’ils risquent de devoir combattre sur plusieurs fronts à la fois. Comme ils n’ont jamais fait du Mali leur objectif prioritaire, lorsque le danger se précisera, ils abandonneront donc leurs positions de Tombouctou et de Gao pour se diluer dans le désert afin de se porter sur le sud de la Libye. Les conditions régionales y sont idéales pour la constitution d’un « Sahélistan » aux confins du Tchad et du Darfour, cependant qu’un continuum fondamentaliste pourra être établi avec les islamistes de Boko Haram du nord Nigeria.

dimanche 25 novembre 2012

Pourquoi cette nouvelle guerre au Kivu ?

Changement de formule :


Depuis 2010,  l’Afrique Réelle publie un numéro par mois à l’intention de ses abonnés, ainsi que des analyses et des notes de situation sous forme de  communiqués. Ces documents qui n’ont pas d’équivalent sont le produit d’un important travail. Jusqu’à présent, ils étaient publiés gratuitement sur le site Internet de la revue et envoyés, tout aussi gratuitement, à un fichier de plusieurs milliers d’internautes. Les analyses qu’ils contiennent ont, durant ces dernières années, servi de base de données à de nombreux utilisateurs qui les ont reprises à leur compte sans naturellement citer la source. Désormais, ces analyses seront réservées aux seuls abonnés à l’Afrique Réelle qui les recevront au cas par cas en plus des 12 numéros de la revue. Le site Internet de la revue annoncera leur publication et leurs anciens destinataires gracieux seront avisés par e-mail. Pour continuer à recevoir ces fiches, il devient donc, à partir d’aujourd’hui, nécessaire de souscrire un abonnement à l’Afrique Réelle. 

20 000 Casques bleus sont stationnés en RDC dans le cadre de la Monusco (Mission des Nations Unies au Congo). Leur entretien coûte 1 milliard de dollars par an à la communauté internationale (trois fois plus que la Finul). Sur cette somme, la France participe pour 1,84 million de dollars en versement direct, plus sa quote-part dans les 16,8 millions de dollars versés par la Commission européenne...
Pourquoi ces « soldats de la paix » n’ont-ils rien tenté pour s’opposer à l’actuelle offensive du Rwanda dans le nord Kivu ? La réponse est simple : le Rwanda a reçu le feu vert des Etats-Unis dans sa politique visant à faire du Kivu un protectorat. 

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vendredi 23 novembre 2012

Mali : l’indécision française peut-elle déboucher sur la création d’un « Sahélistan » ?


Au  mois de janvier 2012, au Mali, la résurgence d’une crise née au moment des indépendances, imposait de fixer l’abcès afin d’éviter sa dissémination et pour ensuite le traiter en profondeur à travers trois volets :

- Politique, en prenant en compte la légitime revendication des populations nordistes, notamment celle des Touareg,
- Diplomatique, en faisant comprendre à l’Algérie que si ses intérêts régionaux n’étaient à l’évidence pas ceux de la France, les nôtres ne s’effaceraient pas devant les siens,
- Militaire, en appuyant les Touareg contre les groupes islamiques qui, à l’époque, totalisaient moins de 300 combattants qui avaient commis l’erreur de sortir de la clandestinité désertique pour se rassembler à Gao et à Tombouctou.

Au lieu de cela, dans la plus totale indécision doublée d’un manque absolu de vision géostratégique, la France :

- S’est réfugiée à l’abri du principe de l’intangibilité des frontières,
- A cédé devant les exigences algériennes de non intervention,
- A camouflé sa pusillanimité derrière l’argument d’une « action » de la CEDEAO, ce « machin », ce « volapuk », cette tour de Babel, dont l’efficacité militaire relève de la méthode Coué,
- A laissé les islamistes liquider militairement les Touareg.

Le résultat de cette addition de démissions décisionnelles est qu’un incendie limité pouvant être rapidement éteint, notamment au moyen d’une de ces opérations « discrètes » que nos forces savent encore si bien mener, est aujourd’hui devenu un foyer régional de déstabilisation. En effet :

1) Le Mnla ayant été militairement défait et repoussé vers la frontière algérienne, les islamistes qui ne risquent  plus d’être pris à revers sur leur flanc nord ont désormais toute la profondeur saharienne pour manœuvrer. Quant à leur flanc ouest, il semble également s’ouvrir car au sein des tribus arabes de Mauritanie, certains, de plus en plus nombreux, commencent à se poser des questions…

2) Sur le flanc oriental la situation leur devient également de plus en plus favorable car le chaos en retour se fait sentir en Libye où tout le sud du pays est mûr pour devenir un nouveau Mali. Quant au sud de la Tunisie, la contamination y a largement commencé.

3) La contagion n’est plus qu’une question de temps au Tchad et au Darfour cependant qu’un continuum fondamentaliste est en passe de s’établir avec les islamistes de Boko Haram du nord Nigeria.

Ainsi donc, le « Sahélistan », fantasme il y a encore quelques  mois, devient-il peu à peu réalité. L’une de ses forces est qu’il s’agit d’une résurgence historique  ramenant directement aux jihad sahéliens du XIX° siècle qui enflammèrent la totalité de la région depuis le Soudan à l’Est jusqu’au Sénégal à l’Ouest[1]. Or, l’islamisme sahélien de 2012 s’abreuve à cette « fontaine de rêve » fermée par la colonisation. Comment cette réalité inscrite dans la longue durée peut-elle être  comprise par des journalistes ou des politiciens esclaves de l’immédiateté et de leur inculture ? Comment pourrait-elle l’être par ces « africanistes » élyséens dont la principale activité semble être de torpiller les informations que les militaires font « remonter » depuis le terrain ?

Dans le Sahel, au cœur de ce qui fut notre « pré carré », ceux qui inspirent la politique de la France ont donc laissé s’écrire le même scénario que celui que nous avons connu dans la région des Grands Lacs et qui peut être exposé en quatre points :

1) Une erreur d’analyse reposant sur la priorité donnée aux postulats idéologiques aux dépens des réalités géographiques, anthropologiques et historiques.

2) L’absence de toute véritable stratégie de défense.

3) Le tropisme de l’abandon de nos alliés ou amis.

4) La place laissée libre à des acteurs extérieurs. Dans le cas présent, l’Algérie et les Etats-Unis qui attendent le moment propice pour intervenir, mais à leur manière. Les conséquences de l’incompétence hexagonale seront alors camouflées sous l’alibi facile de « complot anglo-saxon » contre les intérêts français...

Alors que tout ce qui se passe dans la zone concernée nous est connu, alors que nous savons tout, et au-delà, de ceux qui la déstabilisent, alors que nous y disposons de tous les réseaux utiles, alors enfin que, parfaitement immergées, nos forces auraient pu rapidement « régler » le problème, l’Elysée a laissé la situation lui échapper.
Faut-il s’en étonner quand la tête de l’Etat  dodeline  entre indécision et repentance ?

Bernard Lugan
23/11/12


[1] Voir à ce sujet  les pages 431-452 ainsi que les cartes de mon Histoire de l’Afrique des origines à nos jours. 1246 pages, Ellipses, 2010. L’ouvrage peut être directement commandé ici.

mercredi 14 novembre 2012

Mali : soit nous intervenons, soit nous n’intervenons pas. Mais si nous intervenons, alors faisons le vraiment…


Dans sa conférence de presse du mardi 13 novembre, François Hollande a marché sur des œufs quand il a parlé de la question du Mali. Il sait en effet très bien que si nous intervenons, nos malheureux otages seront assassinés mais que, si nous n’intervenons pas, nous perdrons le peu d’influence qui nous reste encore sur le continent...

Face à ce dilemme, son choix peut ainsi être résumé: nous n’intervenons pas mais nous allons former ceux qui vont intervenir…en espérant que cette argutie permettra d’éviter de froisser les Algériens qui ne veulent pas entendre parler d’une action française...

Or, ce que le président de la République ne semble pas avoir compris c’est qu’une opération militaire ne se construit pas comme une synthèse entre divers courants, à l’image de ce qui se fait lors des congrès du parti socialiste. En la matière, alors qu’il faut des objectifs clairs et des moyens adaptés, nous sommes au contraire dans le flou. En effet:

1) Si l’expédition de la CEDEAO a pour seul but d’en revenir à la situation antérieure, c'est-à-dire permettre au sud Mali de continuer à coloniser le nord Mali, rien ne sera réglé. Une intervention qui ne serait pas précédée du règlement politique de la question  touareg ne ferait en effet que reporter le problème tout en l’amplifiant. Or, rien n’a été décidé  quant à la nécessaire réorganisation administrative du Mali après la reconquête de ses villes du nord car les responsables français ont été incapables d’imposer à Bamako un véritable fédéralisme ou mieux, un confédéralisme, en échange de l’intervention militaire.

2) Sans un étroit « coaching » français, la force de la CEDEAO qui va se lancer à la « reconquête » du nord Mali sera militairement incapable de mener l’opération à son terme, c'est-à-dire jusqu’à l’éradication des groupes gangstéro-islamistes qui occupent la région.
Entendons-nous bien : reprendre Tombouctou et Gao ne posera aucun problème à ce mini corps expéditionnaire ; d’autant plus que les terroristes refuseront un choc frontal et se replieront dès le début de l’offensive pour se diluer dans le désert. Comme leur poursuite n’est pas à la portée des troupes de la CEDEAO, le problème aura simplement été déplacé ; notamment vers le Nord, et c’est très précisément ce que ne veut pas l’Algérie.

Pour que l’expédition qui se prépare soit une réussite, pour éviter que les groupes terroristes contaminent tout le Sahara et toute la bande sahélienne, il est donc impératif de les fixer afin de pouvoir les éliminer. C’est pourquoi les forces françaises doivent être directement engagées. Sans compter que, même pour la reprise des villes du Nord, leur présence effective est une nécessité, ne serait-ce que pour donner un minimum de cohésion à des forces disparates, pour éventuellement être en mesure de les « engerber » et de leur fournir une colonne vertébrale.

Le président de la République ayant clairement déclaré lors de sa conférence de presse que tout cela était hors de question, il est donc d’ores et déjà possible d’annoncer que la question du terrorisme sahélien fera encore l’actualité dans les prochaines années. 

Bernard Lugan
14/11/12

samedi 3 novembre 2012

L'Afrique Réelle N°35 - Novembre 2012


























Sommaire :

Actualité :
- Où en est l'indépendance de l'Azawad ?
- Fin de règne en Algérie
- Au coeur de l'anarchie libyenne

Dossier : Vérités sur les traites esclavagistes
- La traite européenne
- La traite arabo-musulmane

Histoire :
- Le premier conflit mondial en Afrique Orientale
- Quand l'Allemagne a honte de ses héros coloniaux

Editorial de Bernard Lugan : Qui va intervenir au Mali ?

Au Mali, l’option militaire étant en théorie « dans le tube », il convient de ne pas perdre de vue que toute intervention qui ne serait pas précédée du règlement politique de la question touareg ne serait qu’un coup d’épée dans l’eau.
Quant au « traitement » des groupes gangstero-islamistes qui occupent les villes du nord Mali - quelques dizaines, voire deux ou trois centaines d’hommes, - il est à la portée de l’armée française. Le seul problème, mais il est de taille, est que ce n’est pas la France qui doit directement mener l’opération, mais les 15 Etats composant la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). On voit mal comment cette tour de Babel sera capable de fournir la force de 3000 hommes qui lui est demandée car les volontaires ne se bousculent pas.
A ce jour, seuls trois pays ont en effet répondu présent :
- La Côte d’Ivoire qui n’a plus d’armée et dont les quelques unités « opérationnelles » ne parviennent pas à sécuriser la frontière avec le Liberia.
- Le Nigeria dont l’armée est déjà engagée à l’intérieur même de ses frontières pour tenter d’y ralentir une guerre ethno religieuse qui risque de déboucher à moyen ou long terme sur une partition nord-sud. De plus, cette armée ne fut guère convaincante lors de ses interventions passées en Sierra Leone et au Liberia.
- Le Burkina Faso qui ne pourra fournir qu’un contingent à la mesure de ses moyens.

Les 12 autres Etats membres de la CEDEAO sont sur « l’arrière-main ». Le Niger et le Ghana sont partisans d’une négociation, le Sénégal et le Togo n’enverront que des détachements symboliques d’une centaine d’hommes au maximum, et le Bénin est incapable de projeter une force conséquente. Quant à la Sierra Leone, au Libéria, à la Guinée, à la Guinée Bissau, au Cap Vert et à la Gambie, autant ne pas en parler… cependant que l’armée malienne a montré de quoi elle était capable au mois de janvier dernier ! En définitive, les deux seules armées régionalement opérationnelles appartiennent à deux pays non membres de la CEDEAO, à savoir la Mauritanie et le Tchad. Or, Nouakchott a annoncé qu’elle n’interviendrait pas, cependant que N’Djamena se fait prier…

Il va de plus être nécessaire d’apaiser les « inquiétudes » algériennes. Alger qui a une frontière de plus de 1000 km avec le Mali et qui abrite sur son sol une importante fraction du peuple touareg, est en effet à la recherche d’une solution politique quand Paris pousse, au contraire, à une intervention militaire. Sa crainte est de voir Aqmi, prolongement du GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) qui ensanglanta le pays par le passé, être repoussé vers le Nord. C’est pourquoi la ligne constante suivie par l’Algérie est un dialogue avec ceux des groupes maliens qui, selon elle, ont des revendications pouvant être considérées comme légitimes. Depuis des mois, et avec des fortunes diverses, Alger tente donc de couper ces derniers des narcotrafiquants et des terroristes. L’Algérie qui craint qu’une intervention militaire ait pour conséquence de renforcer la cohésion de ces groupes aux objectifs différents, considère donc que l’activisme français nuit à ses propres intérêts de sécurité.
Tout cela fait que l’Algérie ressent mal les pressions françaises destinées à engager les hostilités dans le seul but de permettre à Bamako de récupérer l’Azawad et d’en revenir en fait à la situation antérieure.
La visite annoncée de François Hollande en Algérie permettra-t-elle de rapprocher les points de vue des deux pays ? Peutêtre si le président français arrive les bras chargés de cadeaux comme des facilités de circulation encore plus grandes pour les Algériens désireux de se rendre en France ou d’autres annonces sur la repentance à sens unique.

mercredi 24 octobre 2012

Libye un an plus tard… Point de situation


Un an après la fin du régime du colonel Kadhafi, la  Libye est coupée en trois :

- En Cyrénaïque où deux guerres se déroulent, les fondamentalistes musulmans dont le fief est la ville de Derna s’opposent aux « traditionalistes » rassemblés derrière les confréries soufi cependant que les partisans d’une Libye bicéphale, fédérale ou confédérale refusent l’autorité de Tripoli.

- En Tripolitaine, la ville de Misrata dont est originaire le général Youssef al-Mangouch, à la fois chef de l’armée et coordinateur des milices « ralliées » au pouvoir de Tripoli, tente de prendre le contrôle de toute la région. Auréolées par la capture de l’ancien guide, ses forces viennent de s’emparer de la ville de Bani Walid, « capitale » de la tribu des Warfalla[1]. Dans la lutte traditionnelle contre ses rivaux du sud, Misrata a donc  marqué un point.
Dans l’ouest de la Tripolitaine, les milices berbères (berbérophones ou arabophones) du jebel Nefusa jouent une carte clairement régionale cependant que le «pouvoir central» de Tripoli doit négocier avec les diverses milices pour tenter d’exister.

- Le grand sud est devenu une zone grise où le « pouvoir », ancré sur le littoral méditerranéen n’est obéi ni des Touareg, ni des Toubou, ces derniers devant périodiquement faire face à des raids lancés contre eux par des tribus arabes.

L’attaque contre Bani Walid était destinée à conforter la domination de Misrata sur la Libye centrale tout en affaiblissant les forces de l’ouest de la Tripolitaine en faisant tomber leur « allié » warfalla. Le prétexte de ce rezzou tribal fut la mort d’Omran Ben Chaaban Osman, un des assassins du colonel Kadhafi. Blessé à Bani Walid lors d’une précédente tentative de prise de la ville par les miliciens de Misrata, il y fut fait prisonnier  et longuement torturé. Finalement libéré aux termes de ténébreuses tractations, c’est aux frais du contribuable français qu’il fut transporté à Paris par avion sanitaire pour y être soigné. Il y mourut dès son arrivée.

Désormais, dépendant totalement de Misrata, la seule marge de manœuvre du « gouvernement » de Tripoli va être de louvoyer entre ses puissants soutiens et les autres milices…jusqu’au prochain épisode car les différentes composantes tribalo miliciennes de Libye sont unies dans une commune détestation des habitants de Misrata…
Dans un proche avenir nous allons assister à une crispation sur le front ouest où l’armée gouvernementale - lire les milices de Misrata -, va tenter de mettre au pas les forces du jebel Nefusa et de Zenten. Le prétexte de la guerre tribale qui s’annonce sera le sort de Seif al-Islam, le fils du colonel Kadhafi que les miliciens de l’ouest refusent de remettre aux autorités de Tripoli. Cette question sera un test permettant de mesurer le véritable rapport de force sur le terrain.

Bernard Lugan
24/10/12


[1] Le numéro de novembre de l’Afrique Réelle que les abonnés recevront la semaine prochaine contient une étude sur les milices libyennes.

mercredi 17 octobre 2012

Après l’esclavage, le 17 octobre 1961… La coupe de la repentance déborde !


En reconnaissant la responsabilité de l’Etat et en rendant hommage aux « victimes » de la manifestation interdite du 17 octobre 1961[1], François Hollande s’est comporté en militant sectaire, non en président de tous les Français. D’autant plus que, pour les historiens de métier, les prétendus « massacres » du 17 octobre 1961 constituent un tel exemple de manipulation qu’ils sont étudiés comme un cas exemplaire de fabrication d’un mythe ; comme Timisoara en Roumanie, comme les « couveuses » au Koweit ou encore comme les « armes de destruction massive » en Irak !!!

Tout repose en effet sur des chiffres gonflés ou manipulés et sur des cadavres inventés. Dans une inflation du nombre des morts, les amis du FLN algérien et les porteurs de valises communistes ont ainsi joué sur les dates, additionnant aux 3 morts avérés du 17 octobre ceux des jours précédents ainsi que les décès postérieurs. Pour eux, tout Nord Africain mort de mort violente durant le mois d’octobre 1961 est forcément une victime de la répression policière…même les victimes des accidents de la circulation.

Il est possible d’affirmer cela sans crainte d’être démenti car :

- En 1998, le Premier ministre de l’époque, le socialiste Lionel Jospin, constitua une commission présidée par le conseiller d’Etat Dieudonné Mandelkern qu’il chargea de faire la lumière sur ces évènements. Fondé sur l’ouverture d’archives jusque là fermées, le rapport remis par cette commission fit litière des accusations portées contre la police française[2]. Or, ce rapport consultable sur le net n’a visiblement pas été lu par François Hollande.

- En 1999, Jean-Paul Brunet, universitaire spécialiste de la période, publia un livre extrêmement documenté qui démontait la thèse du « massacre » du 17 octobre (Brunet, J-P., Police contre FLN. Le drame d’octobre 1961.Paris).

- En 2003, le même Jean-Paul Brunet publia un nouveau livre (Charonne, lumière sur une tragédie.Paris) dans lequel il démontrait que le prétendu « rapport de police » faisant état de 140 morts le 17 octobre, document qui sert de point de départ à J.L Einaudi, auteur du livre sur lequel repose toute la manipulation (Octobre 1961, un massacre à Paris), n’a jamais existé.
Reprenant la liste des morts donnée par Einaudi, il montre également que la majorité des décès remonte à des dates antérieures au 17 octobre et il prouve que ce dernier a manipulé les chiffres, additionnant les cadavres non identifiés reçus à l’Institut Médico Légal au nombre des disparus et même (!!!) à celui des Algériens transférés administrativement en Algérie après qu’ils eurent été arrêtés le 17 octobre. Il montre enfin qu’Einaudi a compté plusieurs fois les mêmes individus dont il orthographie différemment les noms…
Monsieur Hollande pouvait-il ignorer tout cela ? Si oui, la nullité ou l’aveuglement militant de ses conseillers laisse pantois.

Quel est donc le vrai bilan de cette manifestation ?

- Le 17 octobre 1961, alors que se déroulait dans Paris un soi-disant massacre, l’Institut Médico Légal (la Morgue), n’a enregistré aucune entrée de corps de « NA » (NA= Nord Africain dans la terminologie de l’époque).
- Le 17 octobre 1961, de 19h30 à 23 heures, il n’y eut qu’une seule victime dans le périmètre de la manifestation et ce ne fut pas un Algérien, mais un Français nommé Guy Chevallier, tué vers 21h devant le cinéma REX, crâne fracassé. Par qui ?
- En dehors du périmètre de la manifestation, « seuls » 2 morts furent à déplorer, Abdelkader Déroues tué par balle et retrouvé à Puteaux et Lamara Achenoune tué par balle et étranglé, gisant dans une camionnette, également à Puteaux. Rien ne permet de dire qu’ils furent tués par les forces de l’ordre.

Le 18 octobre, à 04 heures du matin, le bilan qui parvint à Maurice Legay le directeur général de la police parisienne fut donc de 3 morts. Nous sommes donc loin des dizaines de morts et de « noyés » auxquels l’actuel occupant de l’Elysée a rendu hommage !!!

Certes, nous dit-on, mais les cadavres ont été déposés à la morgue les jours suivants. Faux, car ce n’est pas ce qu’indiquent les archives de l’Institut Médico Légal de Paris puisque, entre le 18 et le 21 octobre, « seuls » 4 cadavres de « NA » furent admis à la Morgue :
- Le 18 octobre, Achour Belkacem tué par un policier invoquant la légitime défense et Abdelkader Benhamar mort dans un accident de la circulation à Colombes.
- Le 20 octobre, Amar Malek tué par balles par un gendarme.
- Le 21 octobre Ramdane Mehani, mort dans des circonstances inconnues.

Nous voilà donc bien loin des 100, 200 ou même 300 morts « victimes de la répression » avancés par certains et pour lesquels M. François Hollande a reconnu la responsabilité de la France !!!
D’autant plus que le « Graphique des entrées de corps « N.A » (Nord-africains) par jour. Octobre 1961 »[3], nous apprend que du 1° au 30 octobre 1961, sur les 90 corps de « NA » entrés à l’Institut Médico Légal, la plupart étaient des victimes du FLN.
Plus encore, pour toute l’année 1961, 308 cadavres de « N.A » entrèrent à l’IML, la plupart ayant péri dans la guerre inexpiable que le FLN menait contre ses opposants partisans de l’Algérie française ou du MNA de Messali Hadj. Ainsi, au mois d’octobre 1961, sur les 34 cadavres de « N.A » retirés de la Seine ou de la Marne, notamment aux barrages de Suresnes et de Bezons puis conduits à l’IML, la quasi totalité étaient des harkis, des partisans de la France ou des membres du MNA, une des méthodes d’assassinat du FLN consistant à noyer ses opposants. La police française n’est pour rien dans ces noyades.

François Hollande devra donc rendre compte au tribunal de l’Histoire car il a couvert de son autorité un mensonge, une manipulation, un montage grossier qui va être utilisé contre la France par ceux que son ministre de l’Intérieur a qualifiés d’ «ennemis de l’intérieur ».

Pour en savoir plus :
- Brunet, J-P., (2002) « Enquête sur la nuit du 17 octobre 1961 ». Les Collections de l’Histoire, hors série n°15, mars 2002.
- Brunet, J-P., (2008) « Sur la méthodologie et la déontologie de l’historien. Retour sur le 17 octobre 1961 ». Commentaire, vol 31, n°122, été 2008.
- Brunet, J-P., (2011) « Combien y a-t-il eu de morts lors du drame du 17 octobre 1961 ? ». Atlantico, 17 octobre 2011.

Bernard Lugan
17/10/12


[1] Voir à ce sujet le dossier spécial de l’Afrique réelle, novembre 2011 intitulé Pour en finir avec le mythe du « massacre » des Algériens à Paris le 17 octobre 1961.
[2] « Rapport sur les archives de la Préfecture de police relatives à la manifestation organisée par le FLN le 17 octobre 1961 ». Rapport établi à la demande du Premier ministre, M. Lionel Jospin et remis au mois de janvier 1998 par M. Dieudonné Mandelkern président de section au Conseil d’Etat, président ; M. André Wiehn, Inspecteur général de l’administration ; Mme Mireille Jean, Conservateur aux Archives nationales ; M. Werner Gagneron, Inspecteur de l’administration. En ligne.
[3] Voir l’Afrique Réelle, novembre 2011.

dimanche 14 octobre 2012

Les conséquences de la Loi Taubira


L’on croyait avoir tout vu à propos de la repentance ! Or, au moment où, à Gorée, François Hollande se couvrait la tête de cendres (voir mon communiqué du 12 octobre), le cabinet du Premier ministre français reconnaissait qu’il avait été demandé à un « collectif » d’associations de « faire des propositions sur ce qui peut être fait en termes de réparations ». Rien de moins ! Français, à vos portefeuilles…
Peut-être pourrait-on suggérer à Monsieur le Premier ministre de mettre particulièrement à contribution les habitants de sa bonne ville de Nantes, elle qui fut une capitale de la Traite et dont les électeurs apportent régulièrement leurs suffrages au parti socialiste…

La question des réparations est régulièrement posée depuis que, sous un Président de « droite » et un Premier ministre de gauche, les députés votèrent à l’unanimité et en première lecture, la loi dite « Taubira », loi qui fut définitivement adoptée le 10 mai 2001.
Jacques Chirac décida ensuite que ce même 10 mai, serait désormais célébrée la « Journée des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions ». Cette décision plus qu’insolite rompait avec une sage pratique voulant, sauf exception, que des dates du passé soient toujours choisies pour célébrer les évènements historiques. Or, avec le 10 mai, ce fut une date du présent qui allait permettre de commémorer des évènements du passé.
Pourquoi ne pas avoir choisi le 27 avril, date anniversaire de l’abolition de l’esclavage en France (27 avril 1848) pour célébrer cette « Journée des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions » ? L’air du temps y fut naturellement pour quelque chose…
Il est d’ailleurs proprement stupéfiant de devoir constater que, littéralement couchés devant le politiquement correct, tous les députés de « droite », je dis bien TOUS, votèrent cette loi qui ne dénonce pourtant qu’une seule Traite esclavagiste, celle qui fut pratiquée par les seuls Européens, loi qui passe sous silence le rôle des royaumes esclavagistes africains et la traite arabo-musulmane[1]. L’ethno-masochisme de nos « élites » semble sans limites !
Quelques années plus tard, Christiane Taubira a osé déclarer qu’il ne fallait pas évoquer la traite négrière arabo-musulmane afin que les « jeunes Arabes (…) ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits des Arabes » (L’Express du 4 mai 2006) !!!

L’énormité de la demande concernant les réparations est telle que le gouvernement va nécessairement devoir clarifier sa position. Il est même condamné à le faire devant l’impopularité et l’incongruité d’une telle démarche. Mais, harcelé par les groupes de pression qui constituent son noyau électoral, il va devoir donner des compensations « morales » aux « associations » concernées. Nous pouvons donc nous attendre à une nouvelle rafale de mesures de repentance.
Voilà comment l’histoire est violée et comment le totalitarisme liberticide se met en place. Lentement, insidieusement, mais sûrement.

Bernard Lugan


[1] L’Afrique Réelle du mois de novembre 2012 que les abonnés recevront au début du mois consacre un important dossier à ce que fut la réalité des traites esclavagistes.

vendredi 12 octobre 2012

François Hollande et la légende « Gorée »


Comme tous les voyageurs de passage à Dakar, François Hollande devrait se rendre à Gorée, île inscrite au patrimoine de l’humanité par l’UNESCO. Or, ce n’est pas pour y visiter un des plus beaux sites de l’Afrique de l’Ouest, lieu dégageant une impression envoûtante, mais pour y sacrifier à la sempiternelle repentance.
Gorée est en effet présentée comme ayant été une des bases de la traite par laquelle des millions de malheureux esclaves auraient transité. Les voyagistes américains proposent même au public afro américain la visite pèlerinage de l’île qui aurait vu passer leurs ancêtres ; au mois de février 1992, lors d’un voyage au Sénégal, le Pape Jean-Paul II lui-même accrédita la légende de « Gorée l’île aux esclaves ».
Le « clou » de la visite est la tristement célèbre « Maison des esclaves » où les chaînes qui retenaient les captifs sont encore en place. L’histoire de ce bâtiment est racontée avec lyrisme par des guides auxquels aucun superlatif n’est étranger. Ils racontent ainsi qu’elle fut construite par les Hollandais au XVII° siècle, que ce fut à l’origine une « esclaverie », qu’elle fut le cœur du honteux système esclavagiste régional centré sur l’île de Gorée. Ses murs ont vu passer des centaines de milliers ou même des millions de Noirs arrachés à leur terre. La visite détaillée permet d’ailleurs de se faire une idée des épouvantables conditions de vie des malheureux. Elle se poursuit par la découverte des cellules des hommes, de celles des femmes et même, moment particulièrement émouvant, de celles des enfants. Le cachot n’est pas oublié dans lequel étaient enchaînés et enfermés les sujets rebelles.
Cette maison a fière allure depuis qu’elle a été restaurée. Une plaque apprend ainsi au visiteur que, parmi les mécènes figure une association prestigieuse, la Fondation France Liberté, présidée par Madame Danielle Mitterrand, veuve d’un ancien président de la république française.

Le seul problème, mais il est de taille, est que la « Maison des esclaves » n’en n’était pas une et que Gorée ne fut pas un centre important de la traite esclavagiste !
La véritable histoire de la « Maison des esclaves » a en effet été écrite notamment par deux historiens de l’IFAN (Institut fondamental de l’Afrique noire), Abdoulaye Camara, préhistorien et archéologue, ancien conservateur du Musée de Gorée puis du Musée d’Art africain de Dakar, et par le père jésuite Joseph Roger de Benoist, spécialiste de l’histoire du Sénégal. Le lecteur curieux pourra se reporter à ce sujet au journal Le Monde en date du 27 décembre 1996 et à l’article intitulé « Le mythe de la Maison des esclaves qui résiste à la réalité ».

L’histoire racontée par ces historiens est bien différente de la légende officielle de Gorée pieusement récitée par les guides locaux:

1) Ce ne seraient pas les Hollandais qui construisirent la « Maison des esclaves » au XVIIe siècle, mais les Français et cela en 1783, donc à une période où la traite européenne avait cessé dans la région de la Sénégambie depuis plusieurs décennies. Une traite subsistait certes à cette époque, mais elle était à destination de l’Afrique du Nord et elle était pratiquée par des esclavagistes arabo-musulmans. Gorée ne fut pas concernée par elle.
2) Cette maison aurait été commandée par Anna Colas, une signare, c’est à dire une riche métisse.
3) Les « cellules » auraient été en réalité des entrepôts de marchandises.
4) Comme toutes les demeures coloniales de cette époque, la maison abritait une nombreuse domesticité et certainement même des esclaves qui y assuraient les tâches les plus ingrates, mais ce n’était pas une « esclaverie ».
5) A l’époque de la traite florissante, Gorée ne fut pas un centre esclavagiste. Au maximum du mouvement, c’est à dire au XVIIe et peut-être au début des XVIIIe siècles, les historiens estiment en effet entre deux cents et cinq cents le nombre d’esclaves qui y transitaient annuellement.

Et pourtant, il ne manque pas de lieux, réels ceux-là, où il est possible de voir comment était véritablement organisé l’odieux commerce des esclaves.
J’en citerai un seul dans cette Afrique de l’Ouest littorale qui vit tant de royaumes africains esclavagistes vendre plusieurs millions d’hommes, de femmes et d’enfants à leurs partenaires européens. Il s’agit du fort de Cape Coast, situé au Ghana, à environ 200 kilomètres à l’ouest d’Accra et qui fut le principal point d’exportation des esclaves vendus par le royaume Fanti aux négriers anglais, hollandais et même suédois qui s’y succédèrent. Il serait également possible de citer, entre autres, Elmina à l’est de Cape Coast et Christiansborg (ou Osu) à Accra.

La « mauvaise monnaie chassant la bonne », les petits arrangements avec l’Histoire sont peut-être favorables à l’industrie touristique de Gorée, mais, outre le fait qu’ils décrédibilisent ceux qui les cautionnent, ils risquent de faire le lit de ceux qui nient la traite esclavagiste ou qui la relativisent.

Bernard Lugan
12/10/10

mercredi 10 octobre 2012

A propos du XIVème sommet de la Francophonie qui se tiendra à Kinshasa du 12 au 14 octobre



En 1991, le IVème sommet de la Francophonie initialement prévu à Kinshasa fut finalement déplacé à Paris en raison des problèmes que connaissait alors le Zaïre. Depuis, redevenu la RDC, ce pays n’a cessé de s’enfoncer dans le néant. C’est pourquoi il est insolite que s’y tienne le XIVème sommet des Etats francophones ; d’autant plus que le climat s’y est considérablement tendu ces derniers jours, tant en raison des appels à manifester lancés par l’opposition, que par la détérioration des relations avec la France. Au cœur du contentieux se trouve la réélection du président Kabila en 2011, scrutin contesté en raison de nombreuses fraudes constatées par les observateurs de l’Union européenne.

Ce sommet est important pour le président congolais, personnage effacé et même falot qui compte sur lui pour s’imposer sur la scène régionale face aux trois « géants » que sont les présidents Dos Santos d’Angola, Museveni d’Ouganda et Kagamé du Rwanda. Or, à quelques heures de l’ouverture, et semblant ignorer les règles les plus élémentaires du savoir-vivre africain, François Hollande a humilié son hôte en dénonçant publiquement les violations des droits de l’homme commises dans son pays. Le président Kabila s’attendait certes à devoir essuyer des reproches de la part du président français, mais il pensait que ce dernier attendrait pour les exprimer la réunion à huis clos qui réunira la vingtaine chefs d’Etat annoncés et lors de laquelle seront abordées la question du Mali et la situation dans l’est de la RDC. Les partisans du président Kabila feront certes bonne figure au chef de l’Etat français, mais ils ne lui pardonneront pas cet affront.
D’autant plus que l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti de l’opposant Etienne Tshisekedi, aujourd’hui âgé de 80 ans, veut profiter de l’occasion pour dénoncer la « mascarade électorale » de 2011 et que, dans l’entourage de François Hollande, certains s’activent depuis des semaines pour organiser une rencontre entre les deux hommes. Ainsi encouragés, les opposants vont immanquablement descendre dans la rue. Aussi, pour ne pas voir « son » sommet gâché par des manifestations, le président Kabila va donc donner des consignes de fermeté aux forces de l’ordre, ce qui risque de déboucher sur de véritables émeutes.

Au-delà de ce sommet dont le faste est égal à l’inutilité, quelle est encore la place de la France dans l’Afrique sud saharienne ?
Le mythe de la « françafrique » qui a la vie dure continue à être entretenu par des groupuscules ou des ONG dont il constitue le fonds de commerce. Or, les relations entre la France et l’Afrique ont considérablement changé depuis que la première n’est plus qu’une entité au sein de l’Union européenne, ce qui, par la force des choses, a enterré le bilatéralisme. La présence française en Afrique sud saharienne a  évolué dans tous les domaines :

- De moins en moins d’expatriés y vivent, les évènements du Congo Brazzaville d’abord, ceux de Centrafrique et du Tchad ensuite et enfin ceux de Côte d’Ivoire, ayant eu pour conséquence le départ de la plupart d’entre eux. Aujourd’hui, 50% des ressortissants français vivant en Afrique sont des binationaux.

- Contrairement à ce qui est affirmé par les héritiers du tiers-mondisme, l’Afrique sud saharienne ne représente plus qu’entre 2 et 3% du commerce extérieur de la France. A eux seuls, les trois pays du Maghreb (Maroc, Algérie et Tunisie) ont un poids égal au reste du continent.

- Les implantations françaises ne sont plus les mêmes qu’il y a une décennie. C’est ainsi que les parts de marché de la France dans la zone CFA sont tombées à moins de 20%. Cette fameuse zone présentée par certains comme étant une rente pour la France, commerce donc pour près de 80% avec d’autres pays qu’elle. Pour la France, le Maroc est à lui seul un partenaire commercial plus important que toute la zone franc.

- La France n’a plus de « chasses gardées » en Afrique. Ainsi, le Gabon, sur lequel tant d’inepties ne cessent d’être colportées, n’était-il en 2010 que son 74° partenaire commercial. Avec moins d’un milliard d’euros d’échanges cumulés, il ne fournissait que 0,1% de toutes les importations françaises et 0,5% de ses besoins pétroliers.

- Les trois premiers partenaires commerciaux de la France en Afrique sud saharienne n’ont jamais fait partie de son empire colonial puisqu’il s’agit de la République sud-Africaine, du Nigeria et de l’Angola avec lesquels Paris a un volume d’échanges plus important qu’avec toute la zone franc.

- Militairement, la France n’est plus le gendarme de l’Afrique. Ses effectifs au sud du Sahara qui étaient de 30 000 hommes en 1960, de 11 000 en 2006, n’étaient plus que de l’ordre de 5000 en 2009, stationnés sur ses trois dernières bases, à savoir 2900 hommes à Djibouti, 1150 à Dakar et 800 au Gabon. Depuis, plusieurs implantations ont été fermées, notamment en Côte d’Ivoire. La France est cependant toujours présente dans le cadre de missions ponctuelles d’assistance ou d’intervention.

Bernard Lugan
11/10/12